Dermatologie
Érythème
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Orientation diagnostique Dr Samira MANSOURI, Dr Selim ARACTINGI Unité de dermatologie, hôpital Tenon, 75020 Paris
Points Forts à comprendre
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• Les lésions érythémateuses peuvent être localisées ou disséminées. Les formes disséminées, également appelées exanthèmes (ou parfois avec le néologisme anglais de rash qu’il vaut mieux abandonner), fréquentes, représentent un réel problème de pratique quotidienne pour des médecins généralistes, des pédiatres et bien sûr des dermatologues. • Les exanthèmes peuvent revêtir différents aspects cliniques. La difficulté de leur prise en charge réside dans le manque de spécificité clinique et histologique des lésions et un grand nombre d’étiologies. • L’attitude pratique reste difficile à codifier. Les questions suivantes doivent être posées : est-ce une allergie à un médicament qu’il faut arrêter et contre-indiquer définitivement ? est-ce une infection virale dangereuse, telle une primo-infection par virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou un syndrome de Kawasaki ? est-ce une infection virale à risque tératogène chez une femme enceinte ? y a-t-il un risque d’infection bactérienne type scarlatine voire méningite à traiter ?
Principales origines des exanthèmes Les causes des exanthèmes maculo-papuleux sont multiples, mais restent dominées par trois principaux cadres étiologiques : les infections virales, les accidents médicamenteux et les éruptions toxiniques.
Infections virales Les éruptions d’origine virale sont extrêmement fréquentes, en particulier chez l’enfant. De très nombreux virus peuvent être en cause.
1. Entérovirus Il s’agit d’une famille de petits virus à ARN regroupant les échovirus et les coxsackies virus. Ils sont transmis par voie fécale et donnent lieu à de petites épidémies surtout estivales. Les entérovirus sont responsables de 65 % des éruptions d’allure virale chez l’enfant et concerneraient principalement les enfants issus de milieu social défavorisé. Les entérovirus sont responsables d’exanthèmes maculo-papuleux habituellement fébriles, associés ou non à d’autres symptômes notamment respiratoires, digestifs ou neuro-méningés. Les exanthèmes induits par ces virus ont malheureusement peu de spécificité clinique et sont habituellement suspectés sur un faisceau d’arguments. La muqueuse buccale peut être érythémateuse. Les adénopathies sont relativement rares. En raison du très grand nombre de sérotypes et de l’absence de réaction de groupe facilement détectable, les sérologies restent d’utilisation limitée (à certains sérotypes fréquentes tels l’écho 9, le coxsackie B5, etc.). L’isolement du virus est possible (en particulier dans les selles) ; mais le plus souvent, le diagnostic de certitude n’est pas nécessaire et sera simplement proposé.
2. Rougeole Due à un membre de la famille des paramyxovirus, il s’agit d’une affection encore fréquente et grave dans les pays en voie de développement. En Europe, elle est habituellement bénigne et beaucoup plus rare depuis l’ère de la vaccination. L’exanthème survient 10 jours après le contage. La phase prodromique est marquée par un catarrhe oculo-naso-pharyngien chez un enfant grognon et fatigué. Le signe de Köplik, semis de petits points blanc bleuté sur une base érythémateuse à la face interne des joues, longtemps considéré comme pathognomonique de la rougeole, est en réalité parfois observé dans d’autres infections virales. L’exanthème est maculo-papuleux, respectant des intervalles de peau saine. Le terme de morbilliforme (utilisé pour décrire certains des exanthèmes) veut dire « comme une rougeole ». Cet exanthème débute classiquement au visage et derrière les oreilles avec une évolution descendante touchant le tronc puis les membres. La guérison survient avec une phase de desquamation postinflammatoire. Le diagnostic de certitude peut être obtenu par l’isolement viral des sécrétions respiratoires et (ou) par la sérologie. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1997, 47
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3. Rubéole Il s’agit là encore d’un problème devenu bien moins fréquent dans les nations occidentales depuis les campagnes de vaccination. Après une période d’incubation silencieuse de 2 à 3 semaines, survient un exanthème maculo-papuleux débutant au visage et s’accompagnant d’une fièvre modérée et typiquement d’adénopathies occipitales et cervicales postérieures. À la différence de la rougeole, l’éruption est faite de nappes beaucoup moins inflammatoires, plutôt rosées, moins étendues également. C’est une affection toujours bénigne sauf chez la femme enceinte séronégative étant donné le risque de malformations fœtales. Le diagnostic est sérologique et repose sur la mise en évidence d’une séroconversion ou plus souvent d’IgM spécifiques anti-rubéole signant l’infection récente. Une sérologie de rubéole doit être exigée lors de toute éruption chez une femme enceinte ou chez quelqu’un de son entourage.
4. Herpès virus Ils peuvent être à l’origine de nombreux exanthèmes. • Cytomégalovirus (CMV) et virus d’Epstein-Barr (EBV) se transmettent essentiellement par voie respiratoire. Un exanthème survient dans 3 à 19 % des « mononucléoses EBV » et 10 à 40 % des « mononucléoses CMV ». Cette éruption n’a aucune vraie particularité clinique et est le plus souvent d’allure morbilliforme. Des adénopathies et une atteinte muqueuse sont possibles. Par un mécanisme encore inconnu, la fréquence de l’éruption atteint 90 à 100 % des cas quand les individus infectés par EBV ou CMV ont été traités par de l’ampicilline. De là vient la classique contre-indication de l’ampicilline devant une angine – dans la crainte que celle-ci ne soit un symptôme d’infection EBV – et qu’un exanthème ne se développe donc. Le diagnostic repose sur la sérologie pour EBV et pour le CMV, la virémie ou la présence d’IgM spécifiques. • Le virus herpès 6 (HHV6) identifié en 1988, est responsable de l’exanthème subit (également appelé roséole infantile) mais aussi de fièvres isolées de l’enfant. Le pic d’incidence de l’exanthème subit a lieu chez l’enfant entre 6 mois et 2 ans. Le tableau débute brutalement par une fièvre à 39-40 °C isolée pendant 2 à 3 jours, suivie, lors de la défervescence thermique, d’une éruption maculopapuleuse. Celle-ci est traditionnellement roséoliforme, c’est-à-dire que les lésions sont de petites macules rose pâle. Le diagnostic sérologique et (ou) l’isolement viral sont limités aux laboratoires de recherche.
5. Parvovirus B19 (PVB19) Il s’agit d’un virus de reconnaissance là encore récente (1983). Il est responsable du mégalérythème épidémique (ou 5e maladie), d’autres manifestations cutanées plus rares et de crises d’érythroblastopénie aiguë (chez les individus ayant une hémoglobinopathie car ce virus se multiplie dans les érythroblastes). Les études séro-épidémiologiques ont montré que près de 65 % des adultes avaient été en contact avec le PVB19, habituellement avant 10 ans. La transmission est respiratoire et après une phase virémique silencieuse survient un tableau clinique assez
Classification des principaux virus responsables d’exanthèmes Famille Adenoviridae Herpesviridae
Génome ADN db ADN db
Parvoviridae Hepadnaviridae Picornaviridae
ADN sb ADN sb ARN sb
Retroviridae
ARN sb
db : double brin ; sb : simple brin.
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L A R E V U E D U P R AT I C I E N ( P a r i s ) 1997, 47
Espèce virale Adénovirus (plus de 40 types) CMV EBV Herpès virus 6 Parvovirus B19 Hépatite B Coxsackies A et B (29 types) Écho (32 types) VIH
Dermatologie spécifique du mégalérythème. Il s’agit d’une éruption qui sur les membres a un aspect réticulé à contours circinés « en guirlandes » et un aspect rouge œdémateux « souffleté » du visage. Une anémie est observée surtout en cas d’hémoglobinopathie. Des arthrites sont fréquentes chez l’adulte. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’IgM spécifiques qui est un examen sensible et spécifique.
6. Primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
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Exanthème morbilliforme d’origine médicamenteuse.
Médicaments à risque élevé (> 3 %) de toxidermies Allopurinol Amoxicilline Ampicilline Carbamazépine Isoniazide
Phénytoïne Produits de contraste iodés Rifampicine Sulfadiazine Sulfaméthoxazoletriméthoprime D-pénicillamine Sulfasalazine
Pour des raisons de prévention, de prise en charge et de gravité, il s’agit à l’évidence de la cause la plus importante à reconnaître. En effet, dans 28 % des primoinfections par le VIH, se développe une éruption cutanée dont l’aspect clinique est malheureusement sans spécificité, souvent morbilliforme. Il faut néanmoins insister sur l’atteinte palmoplantaire qui est fréquente, sur la présence d’érosions endobuccales quasi constantes, sur la fièvre et les polyadénopathies. De plus, des signes méningés, digestifs ou respiratoires peuvent se voir. Un syndrome mononucléosique est fréquent sur l’hémogramme. Le diagnostic repose sur la présence d’une antigénémie VIH p24 positive, sans anticorps anti-VIH, suivie 4 à 6 semaines plus tard de l’apparition de ces anticorps. Le problème est de savoir face à quel érythème exiger ces recherches. Il n’est pas possible de fournir une réponse précise à cette question, ce d’autant que l’antigénémie n’est pas un examen bon marché et que sa pratique peut générer une anxiété dans l’attente des résultats. De manière pragmatique, l’expérience des auteurs est de le proposer chez tout adulte jeune se présentant avec un exanthème et des érosions buccales ; devant tout exanthème d’un sujet appartenant à un groupe à risque et de manière beaucoup plus nuancée en cas d’éruption accompagnée de fièvre et d’adénopathies.
Accidents médicamenteux Les exanthèmes maculo-papuleux constituent la forme clinique la plus fréquente des toxidermies (ce mot est simplement synonyme d’éruptions cutanées induites par un médicament). Ces exanthèmes peuvent revêtir un aspect morbilliforme, scarlatiniforme ou roséoliforme et peuvent comporter une atteinte muqueuse, de la fièvre et parfois un prurit. Une hyperéosinophilie peut être présente à l’hémogramme. Il faudra systématiquement rechercher des signes de gravité associés : érosions muqueuses, décollement bulleux et (ou) signe de Nikolsky. De telles manifestations font en effet craindre une évolution vers une toxidermie grave à savoir une nécrolyse épidermique toxique (anciennement appelée syndrome de Lyell) ou un syndrome de Stevens-Johnson. Les exanthèmes d’origine médicamenteuse surviennent classiquement entre 7 et 21 jours après l’introduction de la molécule (avec un pic à J9). Néanmoins, chez les patients ayant déjà fait un accident, la survenue est plus précoce : 2 à 3 jours après la prise du médicament. Devant un exanthème maculo-papuleux, la démarche d’imputer cette éruption à un médicament est de type probabiliste. Elle est basée essentiellement sur des critères chronologiques (c’est-à-dire que l’éruption survient dans un laps de temps compatible avec une toxidermie et qu’en outre à l’arrêt du médicament, l’éruption régresse). La difficulté du diagnostic réside dans le fait qu’il n’existe pas de réelle spécificité clinique, histologique, biologique (TTL, RAST, etc.) ni de tests cutanés qui permettent d’affirmer avec certitude qu’une éruption est médicamenteuse. Le test de réintroduction médicamenteuse a ce pouvoir, mais est le plus souvent d’éthique discutable vu les risques qu’il fait encourir. C’est pourquoi devant un exanthème maculo-papuleux, le diagnostic de toxidermie sera effectivement probabiliste.
Toxoplasmose La primo-infection par Toxoplasma gondii, lorsqu’elle est symptomatique, se manifeste habituellement par un exanthème morbilliforme avec ou sans fièvre mais s’accompagnant souvent d’adénopathies cervicales. Le diagnostic qui est fondamental à faire chez une femme enceinte en raison du risque malformatif repose sur la sérologie qui est facile et spécifique avec mise en évidence d’IgM anti- T. gondii ou une ascension des IgG. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1997, 47
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Éruptions toxiniques Elles sont secondaires à la production de toxines par certaines bactéries. Il s’agit essentiellement d’éruptions scarlatiniformes.
1. Scarlatine classique Liée aux streptocoques β-hémolytique du groupe A producteurs de toxine érythrogène, elle est devenue rare actuellement et touche surtout l’enfant. L’éruption scarlatiniforme est précédée d’une angine érythémateuse et fébrile. L’atteinte muqueuse comportant un V lingual au 4e jour (2/3 antérieurs de la langue érythémateuse dépapillée et 1/3 postérieur indemne en arrière d’un V) est très évocatrice du diagnostic. L’éruption débute aux grands plis et se propage aux membres et au tronc sous forme de grandes nappes chaudes cuisantes, rouges, typiquement sans intervalles de peau saine (définissant le caractère sémiologique de « scarlatiniforme »). L’évolution se fait vers la desquamation qui prend un aspect en doigts de gants aux extrémités et en lambeaux sur le reste du corps. En l’absence de traitement antibiotique, des complications post-streptococciques (rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite aiguë) sont possibles. Le diagnostic clinique est relativement aisé à évoquer et sera conforté par la mise en évidence de streptocoque β-hémolytique dans les prélèvements de gorge et (ou) un taux élevé des anticorps antistreptolysine O (ASLO).
2. Scarlatine staphylococcique Rare et liée à une toxine érythrogène produite par un staphylocoque ayant un phage du groupe II, elle réalise une éruption scarlatiniforme proche de celle de la scarlatine classique. Le foyer infectieux initial est souvent amygdalien.
3. Éruptions à Corynebacterium 2
Exanthème morbilliforme d’origine médicamenteuse.
D’individualisation récente, elles sont la conséquence d’une toxine produite par Corynebacterium hemolyticum. Elles se caractérisent par un tableau de scarlatine de l’adulte avec angine. Le prélèvement de gorge permet l’isolation du germe et le traitement repose sur l’antibiothérapie (macrolides).
4. Toxic schok syndrome Cette éruption est la conséquence de la production d’une toxine particulière (appelée TSST1 pour toxic schock syndrome toxin 1) par un staphylocoque doré, dont le foyer initial a souvent été la présence de tampons vaginaux périodiques surinfectés par un staphylocoque producteur de cette toxine. Le tableau caractéristique associe une éruption scarlatiniforme intense, une fièvre élevée, un état de choc, des douleurs abdominales et des vomissements. Des défaillances viscérales sont présentes (3 au moins dans les critères de diagnostic du toxic shock).
5. Staphylococcal scalded skin syndrome (SSSS) À la limite de ce cadre des érythèmes car le tableau est rapidement celui d’un décollement superficiel, il atteint essentiellement les nouveau-nés, les nourrissons et le jeune enfant et débute par un érythème scarlatiniforme, rugueux et douloureux au palper qui évolue rapidement vers la nécrolyse épidermique superficielle.
Autres causes d’éruptions maculo-papuleuses 1. Méningite à méningocoque Il faut y penser systématiquement car une éruption maculo-papuleuse d’allure banale (non purpurique) peut se voir dans un pourcentage non négligeable de cas, notamment dans les formes de l’enfant.
2. Fièvre boutonneuse méditerranéenne C’est une rickettsiose due à Rickettsie conori transmise par une piqûre de tique et siégeant de façon endémique au pourtour méditerranéen. Elle survient de façon saisonnière, principalement en été et au début de l’automne. Le tableau est caractéristique. Après une période d’incubation de 4 à 10 jours, la maladie débute par une fièvre à 39 °C avec céphalées et arthralgies, suivie d’une érup894
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Dermatologie tion maculo-papuleuse. Celle-ci comporte des lésions éparses, lenticulaires, rosées. La morsure de tique réalise une « tache noire escarrotique », caractéristique à rechercher attentivement sur les zones découvertes, les plis de flexion, le scrotum, au cuir chevelu ou rétro-auriculaire chez l’enfant. Le diagnostic essentiellement clinique sera confirmé par les sérologies qui mettent en évidence des IgM spécifiques et (ou) une ascension des IgG. Le traitement repose sur les cyclines.
3. Syphilis secondaire
3
Exanthème scarlatiniforme d’origine médicamenteuse.
Grand classique des diagnostics différentiels dermatologiques, il faut donc bien sûr y songer devant un exanthème maculo-papuleux. Six à huit semaines après un chancre (passé inaperçu ou non) sans traitement, apparaît une éruption roséoliforme faite de macules pâles, discrètes, à la limite de la visibilité, essentiellement localisées au tronc et disparaissant rapidement en une semaine. Peu après surviennent les érosions linguales (plaques fauchées), les papules ou syphilides papuleuses, et l’alopécie. Des adénopathies cervicales postérieures sont classiques. Le diagnostic est confirmé par les réactions sérologiques (FTA, TPHA, VDRL) qui sont toutes positives à ce stade.
4. Maladie de Kawasaki C’est une vascularite probablement d’origine virale qui touche essentiellement les enfants. De diagnostic très difficile, elle se caractérise par une éruption scarlatiniforme particulière par l’intensité de l’érythème et de l’œdème palmoplantaire. Une conjonctivite bilatérale, une cheilite, de la fièvre et une altération grave de l’état général sont habituelles. Des critères de diagnostic ont été établis. En raison des risques cardiaques (anévrisme coronaire) et de la réduction de ce risque par un traitement (aspirine plus immunoglobulines intraveineuses) ; il faut évoquer ce diagnostic devant une éruption sévère.
5. Maladie de Still de l’adulte
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Exanthème morbilliforme d’origine virale.
Les manifestations dermatologiques de cette maladie systémique sont marquées par une éruption érythémateuse, très fugace, d’allure urticarienne. Les lésions sont récidivantes et le diagnostic repose sur un faisceau présomptif d’arguments (arthralgies, syndrome inflammatoire, négativité de la recherche d’auto-anticorps, ferritinémie élevée).
6. Réaction aiguë du greffon contre l’hôte Elle survient après greffe de moelle osseuse allogénique, et est liée à la reconnaissance des tissus de l’hôte par des lymphocytes T du donneur. Elle se manifeste par une éruption maculo-papuleuse morbilliforme ou scarlatiniforme avec une atteinte acrale majeure (oreilles, paumes, plantes). Une diarrhée et une cholestase sont parfois associées (GVHD digestive et hépatique).
Éléments d’orientation diagnostique devant un exanthème maculo-papuleux Le principal problème est de discriminer s’il s’agit d’une toxidermie, d’une éruption virale et dans un 3e temps s’il s’agit d’une autre cause (toxine, etc.). Les principaux items qui doivent être pris en compte sont les suivants :
1. Interrogatoire Il doit préciser en détail les prises médicamenteuses (quels médicaments ? leur chronologie précise par rapport à l’éruption, pourquoi ont-ils été prescrits ?), la notion de contage, le contexte (voyages, greffe, piqûre). Le plus souvent on retrouve la notion de prodromes d’allure virale ayant conduit à une ou plusieurs prises médicamenteuses rendant 2 hypothèses plausibles : éruption virale ou éruption médicamenteuse. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1997, 47
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Points Forts à retenir
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• En dehors de la rougeole et du mégalérythème épidémique, les éruptions d’origine virale n’ont aucune spéficité clinique permettant de penser à un virus plutôt qu’un autre. • Par ailleurs, le diagnostic sérologique est presque impossible vu le grand nombre de sérotypes existant. • La primo-infection par le VIH représente une cause à évoquer et à rechercher dans certaines circonstances particulières. • La confrontation des éléments cliniques et biologiques permettra de déterminer la conduite pratique.
2. Aspects cliniques cutanés Les caractères sémiologiques de ces éruptions (couleur, mode de regroupement et taille des lésions) définissent différents aspects. • L’érythème morbilliforme est fait de macules ou de maculo-papules érythémateuses parfois confluentes mais respectant des intervalles de peau saine. • L’érythème scarlatiniforme réalise de vastes placards rouge vif confluents sans intervalles de peau saine. La desquamation postinflammatoire y est caractéristique (doigts de gants et lambeaux). • L’érythème roséoliforme correspond à des lésions maculeuses de petite taille et de couleur rose pâle. Tous les exanthèmes disséminées peuvent devenir purpuriques aux membres inférieurs sans que cela signifie forcément que l’on est face à une vascularite sévère. Enfin toutes ces lésions peuvent s’accompagner d’atteintes muqueuses, le plus souvent buccale ou oculaire et de signes généraux, notamment de la fièvre. L’aspect clinique de ces éruptions oriente malheureusement rarement vers une étiologie précise, excepté dans la rougeole, le mégalérythème épidémique et la fièvre méditerranéenne familiale.
3. Examen clinique extracutané Il doit toujours être pratiqué et doit vérifier la présence d’une angine, d’une pneumopathie, d’une méningite, de signes digestifs, de polyadénopathies, de splénomégalie. La présence de l’un quelconque de ces signes peut apporter des éléments d’orientation pour analyser l’érythème.
4. Histologie Elle est dans la majorité des cas inutile car elle n’a quasiment aucune spécificité. Elle retrouve un infiltrat inflammatoire dermique de cellules mononucléées, (habituellement des lymphocytes T), associé à des signes épidermiques d’intensité variable allant de la simple ballonisation des kératinocytes jusqu’à la nécrose cellulaire. Cette image est quasi similaire dans les éruptions d’origine virale ou médicamenteuse.
5. Autres éléments cliniques de bonne valeur d’orientation • L’âge : chez l’enfant les causes virales sont plus fréquentes, alors que chez l’adulte ce sont les causes médicamenteuses. • Le prurit serait un peu plus fréquent dans les éruptions médicamenteuses. • L’hémogramme : la lymphopénie et un syndrome mononucléosique sont en faveur d’une étiologie virale, alors que l’hyperéosinophilie oriente plutôt vers une cause médicamenteuse.
6. Recherches virales En raison du grand nombre de virus potentiellement responsables d’éruptions maculo-papuleuses, il est impossible de faire une recherche virologique totalement exhaustive. Seuls un ou quelques virus pourront être recherchés (IgM du PVB19).
7. Tests biologiques des toxidermies Ils ont donné lieu à une multiplication d’examens qui avaient pour objectifs de déterminer au moment même ou a posteriori si un sujet était « allergique » à un médicament. Malheureusement dans l’immense majorité des cas, les tests biologiques n’ont aucun intérêt. Le test de transformation lymphoblastique et le test de dégranulation des basophiles sont dépourvus de tout intérêt. Les tests épicutanés et les tests intradermiques n’ont de valeur que dans les réactions d’hypersensibilité immédiates, notamment à la pénicilline. ■
POUR EN SAVOIR PLUS Aractingi S, Roujeau JC. Diagnostic d’une éruption maculo-papuleuse. Ann Dermatol Venerol 1992 ; 119 : 307-11. Wolkenstein P, Roujeau JC. Toxidermies. Encycl Med Chir (Paris-France). Dermatologie 12-930-A-10, 1995, 7 pp.
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