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Anesthésie – Réanimation B 129

Complications des abords veineux PR Benoît EURIN Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Saint-Louis, 75010 Paris.

Points Forts à comprendre • Les abords veineux sont devenus indispensables pour administrer de nombreux traitements, en situation de réanimation, chimiothérapies prolongées ou alimentation parentérale. • On distingue les abords veineux périphériques extrêmement employés, mais limités dans leur possibilité de perfusion de produits agressifs et ayant une durée de vie courte. Les complications sont fréquentes mais souvent bénignes : hématome, thrombophlébite… Cependant, il faut être prudent en cas d’extravasation car certains produits entraînent des nécroses cutanées. • Les abords veineux profonds ont l’avantage d’être une voie d’administration pour certains produits à mauvaise tolérance périphérique et d’avoir un potentiel de durée d’utilisation plus longue. En particulier, les chambres implantables sont destinées aux traitements prolongés. Les complications peuvent être mécaniques (hématomes, perforations veineuses, fausses routes…), ailleurs il s’agit de thrombose constituée autour du cathéter mais les complications les plus redoutées sont infectieuses avec greffe infectieuse sur le matériel implanté. Il faut alors faire confirmer le diagnostic et le plus souvent retirer le matériel et entreprendre un traitement antibiotique adapté.

L’utilisation extensive des abords veineux, tant périphériques que centraux, est responsable de la survenue de nombreuses complications souvent bénignes mais pouvant être très graves, voire mettant en jeu le pronostic vital. Les abords veineux se divisent en 2 grands groupes : les abords veineux superficiels où la veine ponctionnée, sous-cutanée, est vue et palpée, et les abords veineux profonds, concernant les veines de gros calibre, invisibles, mais dont les dimensions, la situation et les rapports sont à peu près constants d’un individu à l’autre. On emploie les termes d’abord périphérique lorsque l’extrémité du cathéter est dans une veine périphérique, de petit diamètre et à faible débit sanguin, et d’abord central lorsque cette extrémité est dans une veine

endothoracique, généralement la veine cave supérieure. Les complications sont souvent plus graves dans le cas d’abords veineux profonds que pour les abords veineux superficiels.

Complications mécaniques Celles des abords veineux superficiels sont fréquentes, mais habituellement bénignes. Celles des abords veineux profonds, plus rares, sont aussi généralement beaucoup plus graves.

Abords veineux superficiels • Blessure de la veine : rançon fréquente et sans gravité d’un geste difficile ou maladroit, elle se traduit par un hématome sous-cutané. C’est plus un incident qu’une complication et l’évolution est bénigne malgré son caractère souvent douloureux. Compte tenu du respect des repères anatomiques élémentaires, la blessure d’un organe noble de voisinage, nerf ou artère, est un accident assez rare, le plus souvent sans gravité. • Injection intra-artérielle accidentelle : c’est une complication exceptionnelle. L’artère le plus souvent en cause est l’artère humérale au pli du coude, mais de tels accidents ont été décrits avec les artères du dos de la main ou de la cheville. Ils sont susceptibles d’avoir des conséquences extrêmement graves (artériospasme, gangrène du membre sous-jacent). Ils peuvent être prévenus en s’assurant de la réalité de la position endoveineuse de l’aiguille avant toute injection médicamenteuse. Leur prévention est d’autant plus importante que leur traitement curatif (procaïne à 1 % intra-artérielle, phentolamine, héparinisation) est assez décevant. • Perfusion extraveineuse : conséquence d’un traumatisme répété et prolongé de l’aiguille, du cathéter ou du liquide de perfusion sur la paroi veineuse, elle est beaucoup plus fréquente. L’épanchement sous-cutané qui la caractérise n’a habituellement pour conséquence que l’arrêt de la perfusion en cours, la nécessité de « repiquer » le malade avec donc amputation du capital veineux et une douleur parfois importante. Il n’en est bien entendu pas de même lors de l’administration de solutés ou de médicaments ayant des propriétés nécrosantes sur le tissu cellulaire sous-cutané, comme par exemple certains sédatifs (diazépam…), les vasocons-

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tricteurs puissants (catécholamines…), de nombreux antimitotiques (adriamycine, méthotrexate…), les solutés hypertoniques ou alcalins. Il est donc recommandé, lors de l’utilisation de ces produits par voie veineuse périphérique, de s’assurer de la perméabilité de la veine utilisée et d’exercer une surveillance attentive. En effet, la constatation d’une extravasation d’un soluté à caractère nécrosant impose, outre l’arrêt de la perfusion, d’effectuer en urgence (< 6 h) un lavage chirurgical du tissu sous-cutané.

Abords veineux profonds Le caractère aveugle de la ponction veineuse et du cathétérisme qui lui succède est bien entendu la principale cause des complications mécaniques. Les plus fréquentes sont dues à la ponction : échec, blessures veineuses, artérielles ou nerveuses, pneumothorax, blessures des canaux lymphatiques. D’autres sont dues au cathétérisme : trajets aberrants, embolies de cathéter, embolie gazeuse. • Échec : on admet généralement qu’il représente pour un opérateur entraîné, quelle que soit la technique employée, moins de 5 % des cas pour la veine sousclavière et la veine axillaire, et moins de 10 % des cas pour la veine jugulaire interne. • Blessures veineuses ou artérielles : elles restent relativement bénignes lorsqu’elles se produisent à un endroit où la compression manuelle est possible (cou, racine de cuisse) et chez des malades ayant une hémostase normale. Elles ne se traduisent alors le plus souvent que par un hématome banal. Les abords jugulaires internes ont cependant pu donner lieu à des accidents neurologiques (hémiplégie secondaire à une ponction carotidienne) ou respiratoires (compression trachéale par hématome extensif). La gravité des complications des abords veineux sous-claviers [hémothorax et (ou) hémomédiastin] est fonction de l’importance de la brèche et des possibilités d’hémostase spontanée du malade. Leur caractère massif impose alors le recours à une transfusion importante, parfois au drainage thoracique, voire à la thoracotomie d’hémostase. • Perforations cardiaques : complication gravissime, la perforation cardiaque peut survenir au décours immédiat ou à distance de la pose d’un cathéter veineux central rigide, soit introduit trop profondément, soit rompu et ayant migré en intracardiaque. La clinique est parfois très fruste et dans un quart des cas elle se limite à un arrêt circulatoire ou à une découverte nécropsique. Dans les autres cas, on observe un tableau de tamponnade préalable. Le diagnostic est fait par échographie. L’aspiration au travers du cathéter par abaissement du flacon de perfusion au-dessous du plan du lit peut améliorer temporairement la situation mais un avis chirurgical doit être pris de toute urgence. • Pneumothorax : consécutif à une blessure du dôme pleural, le pneumothorax est une complication classique des techniques de cathétérisme percutané de la veine sous-clavière (1 à 5 % selon les auteurs), mais aussi, 1938

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quoique moins fréquente, de celles intéressant la veine jugulaire interne. Sa fréquence, variable selon la technique utilisée, augmente chez les sujets de morphologie atypique (cachectiques, obèses, emphysémateux) et diminue avec l’expérience de l’opérateur. Suspecté le plus souvent dès la ponction par l’issue d’air dans la seringue, il est affirmé secondairement par la clinique et l’examen radiologique. Il est assez souvent retardé, n’apparaissant que sur le cliché systématique du lendemain des ponctions difficiles. Il est quelquefois d’importance minime et bien toléré, n’entraînant d’autres soins qu’une surveillance. Il en va différemment lorsqu’il est massif d’emblée, s’il se produit chez un insuffisant respiratoire ou chez un malade soumis à la ventilation artificielle. Il doit alors être exsufflé ou drainé d’urgence. Le risque de pneumothorax interdit d’effectuer une tentative de ponction sous-clavière de l’autre côté avant contrôle radiologique pour éviter de créer un pneumothorax bilatéral. • Blessures des canaux lymphatiques : elles sont relativement rares. Elles ont cependant été décrites aussi bien après abord veineux jugulaire interne que sousclavier. Compte tenu de l’absence fréquente de la grande veine lymphatique droite et de sa gracilité lorsqu’elle existe, c’est habituellement le canal thoracique (situé à gauche) qui est en cause, plus souvent en cas d’hypertension portale en raison de l’hypertrophie dont il est l’objet dans cette circonstance. La gravité de ces accidents est relativement élevée, la lymphostase n’ayant que peu tendance à s’effectuer spontanément et nécessitant souvent la ligature chirurgicale du vaisseau, acte difficile, même si l’on peut auparavant tenter d’utiliser, chez les patients ventilés, l’action bénéfique de la pression positive expiratoire (PEP). • Lésions nerveuses : beaucoup plus rares, on les retrouve surtout lorsque l’on utilise la voie jugulaire interne plutôt que la voie sous-clavière. Elles sont en général bénignes. Tout a été décrit : atteinte du plexus brachial, du nerf phrénique, du ganglion stellaire, etc. • Fausses routes : les fausses routes de cathéter sont assez fréquentes. Leur prévention repose à la fois sur le choix des veines les moins sujettes à cette complication (jugulaire interne droite plutôt que gauche, sous-clavière gauche plutôt que droite, basilique plutôt que céphalique), sur le respect d’une procédure rigoureuse dans l’introduction du cathéter et sur la recherche pendant cette dernière de tous les petits signes faisant suspecter un trajet aberrant : difficulté d’introduction, défaut de retour franc de sang par le cathéter lors d’un essai d’aspiration à la seringue, etc. Leur dépistage justifie le contrôle radiologique systématique immédiatement après la pose du cathéter. Les fausses routes imposent le plus souvent le retrait du cathéter car la perfusion n’a pas alors habituellement lieu dans une veine de gros calibre, ce qui majore le risque de thrombose et de perforation secondaire en cas de cathéter rigide (PVC ou polyéthylène). Il est aussi possible de remettre en place le cathéter sous scopie à l’aide d’une sonde en forme de lasso.

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• Embolies de cathéter : elles sont dues à des erreurs de manipulation. Autrefois, avant l’utilisation en routine de la méthode de Seldinger, c’était lors de la pose du cathéter que l’opérateur sectionnait celui-ci au cours d’un retrait malencontreux sur le biseau de l’aiguille ; parfois, la section était plus tardive et se produisait sous le pansement au contact du biseau non ou mal protégé de l’aiguille introductrice non démontable. Actuellement, cet accident s’observe surtout avec les cathéters en silicone particulièrement fragiles. Cela peut se produire par section d’un fil de fixation fin et serré, lors de la connexion du cathéter au raccord de perfusion, où lors d’une tentative intempestive de désobstruction d’un cathéter bouché sous pression à l’aide d’une seringue de petit volume (1 à 2 mL). Enfin, les cathéters sous-claviers posés très internes peuvent être sectionnés par la pince formée entre la première côte et la clavicule. L’embolie de cathéter est le plus souvent asymptomatique, mais expose au risque de perforation cardiaque, de thrombose ou de trouble du rythme. Le diagnostic est fait par échographie et radiographie thoracique de profil. Dès que le diagnostic est fait, il importe de retirer le fragment de cathéter au « lasso » sous amplificateur de brillance ou échographie. • Embolie gazeuse : le cathétérisme veineux central représente une situation très propice à la survenue d’une aspiration d’air accidentelle, surtout si le patient est hypovolémique. L’extrémité du cathéter est en effet située dans un endroit où règne de façon physiologique une pression négative inspiratoire. Dès lors toute communication du cathéter avec l’air ambiant expose à cette complication. On observe donc cela lors des manœuvres de pose, de changement de tubulure, de déconnexion accidentelle, voire en fin de perfusion en cas d’utilisation d’un flacon rigide muni d’une prise d’air. La prévention consiste à effectuer toutes les manœuvres de pose ou nécessitant l’ouverture de la ligne en plaçant le patient en position de Trendelenburg ou en lui demandant de se maintenir en fin d’expiration. L’utilisation de poches souples sans prise d’air et de raccords Luer-lock est aussi recommandée. Enfin, une embolie gazeuse peut être observée lors du retrait du cathéter si cette manœuvre est effectuée en position assise, ce qui doit être à proscrire. La symptomatologie peut être fruste, surtout en cas de faible volume d’air aspiré : malaise, cyanose, polypnée, légère baisse tensionnelle. Ces signes peuvent disparaître rapidement. Ailleurs, on est devant une forme grave avec détresse cardiorespiratoire et neurologique : dyspnée, cyanose, collapsus, convulsions, coma. L’auscultation cardiaque retrouve le classique bruit de « moulin à eau ». L’échographie confirme le diagnostic. Le traitement repose sur la mise en Trendelenburg et en décubitus latéral gauche pour retenir l’air dans les cavités droites. Si le cathéter est encore en place, il faut essayer d’aspirer le maximum d’air. Une oxygénation à large débit est systématique et une oxygénothérapie hyperbare peut être indiquée pour réduire le volume des bulles et favoriser leur résorption.

• Complications propres aux cathéters à chambre : la complication mécanique la plus grave est l’injection sous-cutanée de produits à potentiel nécrosant (anthracycline). Cela se produit lors d’une injection hors de la chambre par ponction hors du septum ou lors d’une mobilisation secondaire de l’aiguille de ponction, d’une désunion entre la chambre et le cathéter, ou lorsque le septum de la chambre devient poreux. Le diagnostic est simple devant l’anamnèse, la survenue d’une douleur lors de l’injection suivie de signes locaux évidents : rougeur, œdème rapidement extensifs. La prise en charge de ce type d’accident est actuellement chirurgicale : on réalise en urgence (dans les 6 h suivant l’extravasation) sous anesthésie générale un lavage à l’aide d’un matériel à lipo-aspiration avec du sérum physiologique. Cette technique évite la survenue d’une nécrose cutanée et sous-cutanée.

Complications thrombotiques Thrombophlébite périphérique Il s’agit d’une complication très fréquente et habituellement bénigne. Cela correspond à une inflammation de la veine perfusée associée à une thrombose locale. Elle se manifeste par une douleur locale, une inflammation cutanée et sous-cutanée périveineuse et par un cordon induré correspondant à la veine thrombosée. Les facteurs favorisant cette complication sont : – le choix d’une veine de petit calibre ; – le choix d’une veine au niveau des membres inférieurs ; – le caractère irritant du liquide perfusé ou des médicaments injectés. Le traitement repose sur le retrait de la perfusion et le choix d’un autre site à distance. On y associe souvent des pansements alcoolisés ou des pommades antiinflammatoires.

Thrombose veineuse sur cathéter Il s’agit d’une complication non exceptionnelle et dont la fréquence est probablement sous-estimée car la symptomatologie peut être très fruste. Les signes d’orientation sont : douleur, œdème, circulation collatérale dans le territoire d’amont, mauvais écoulement de la perfusion, mauvais reflux veineux lors de l’abaissement du flacon sous le plan du lit. Le diagnostic est confirmé par un examen doppler, associé à une échographie, voire plus rarement actuellement une phlébographie. Les facteurs favorisants sont : – la matière du cathéter, le PVC étant beaucoup plus thrombogène que le silicone ou le polyuréthanne ; – la situation du cathéter, le territoire cave inférieur semblant plus exposé à cette complication que le territoire cave supérieur ; – les cathéters laissés en fausse route ou trop courts dans le territoire cave supérieur ;

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– la nature des produits perfusés, car le risque semble plus important avec certaines chimiothérapies ou produits très hyperosmolaires. Une dilution de ces produits ou un rinçage après leur perfusion peuvent jouer un rôle préventif. Le traitement classique repose en premier lieu sur le retrait du cathéter et la mise sous anticoagulants à dose efficace. Les indications des fibrinolytiques en matière de thrombose veineuse sur cathéter doivent être discutées en cas de thrombose cave supérieure étendue.

Obstruction du cathéter Il s’agit d’un incident assez fréquent lors du cathétérisme de longue durée. Elle est bien sûr due le plus souvent à une thrombose intraluminale. Devant une telle constatation, il importe (1) surtout de ne pas essayer de déboucher le cathéter en exerçant une pression car il y a risque de rupture du cathéter et migration d’un fragment distal ; (2) de tenter de le déboucher à l’aide d’urokinase. En cas d’échec il faut changer le cathéter. La prévention repose sur la surveillance du débit de perfusion, le rinçage de la ligne entre les différentes injections car il y a risque de précipitation. En cas de fermeture du cathéter, il importe de le purger avec du sérum additionné ou non d’héparine.

Complications infectieuses La mise en place d’un abord veineux met en communication la circulation sanguine avec le milieu extérieur, source de germes. Il s’agit donc du principal risque des voies veineuses et ces complications doivent toujours être redoutées.

Voies d’abord périphériques Les aiguilles métalliques, en particulier les épicrâniennes, semblent moins exposées à ce risque que les cathéters courts. On peut expliquer cela par le caractère moins thrombogène des aiguilles métalliques et aussi par leur durée de vie en place moins longue. Les infections sur canules ont habituellement une évolution locale mais dans quelques cas rares, on peut observer une évolution vers une thrombophlébite suppurée pouvant être responsable d’une septicémie. Il faut alors explorer par examen doppler ou phlébographie tout l’axe veineux et en plus d’une antibiothérapie systématique, prolongée et adaptée, envisager une ligature de la veine en aval de l’infection.

Infection sur cathéter Il s’agit là de la principale complication des cathéters veineux centraux hormis celles liées à la pose. L’incidence de cette complication est très variable et comme elle dépend beaucoup de la durée du cathétérisme, il est devenu d’usage de l’exprimer par jour de cathétérisme. 1940

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La fréquence évolue donc entre 0,3 et 36 pour 1 000 jours de cathétérisme. • Quatre mécanismes d’infection peuvent être identifiés : – la colonisation du cathéter par l’orifice cutané. Ce mécanisme semble prédominant en cas d’infection survenant dans les premiers jours (faute d’asepsie lors de la pose ou des pansements !) ou en cas de forte colonisation cutanée (réanimation) ; – la colonisation des raccords le long de la ligne de perfusion. La prévention repose ici bien évidemment sur la protection de ces raccords et leur isolement des zones colonisées. Ce mode d’infection s’observe surtout lors du cathétérisme de longue durée ; – la contamination hématogène lors d’une bactériémie. Cela est favorisé par la présence d’une thrombose autour ou à l’extrémité du cathéter ; – le 4e mécanisme est plus rare car il s’agit de la perfusion de liquide contaminé. • Les germes les plus fréquemment rencontrés sont : – le staphylocoque coagulase négative ; – le staphylocoque doré ; – les streptocoques ; – les bacilles gram-négatifs, en particulier en réanimation ; – les levures. • Les facteurs favorisants sont : – le séjour en réanimation en raison de la flore microbienne, souvent résistante qui colonise le patient et parfois l’unité d’hospitalisation. Les nombreuses manipulations du cathéter imposées par le caractère instable du patient aggravent considérablement le risque ; – l’immunodépression et en particulier les affections hématologiques et à VIH ; – la durée de maintien du cathéter ; – le nombre de manipulations nécessitant une ouverture de la ligne ; – le site de pose du cathéter et (ou) encore la voie fémorale semble plus à risque que la voie jugulaire, cette dernière semblant légèrement plus à risque que la voie sous-clavière lorsque le cathéter n’est pas tunnellisé. • Le diagnostic doit être évoqué devant : – des signes locaux : douleur, inflammation du lieu d’émergence, écoulement d’un liquide louche, voire purulent ; – des signes généraux, fièvre inexpliquée, accompagnée ou non de frissons, hémocultures positives. Il sera confirmé, dans l’idéal, par le retrait du cathéter et la culture de son extrémité à l’aide d’une technique quantitative de Maki (l’extrémité du cathéter est roulée sur de la gélose) ou de Brun-Buisson (l’extrémité du cathéter est rincée). Le résultat est positif si l’on observe respectivement plus de 15 CFU (colonies formant unités) ou de 103 CFU/mL. Ces méthodes sont plus spécifiques que la simple culture en bouillon de l’extrémité du cathéter. Cependant, le retrait du cathéter impose habituellement une nouvelle pose de cathéter et donc d’autres risques. Quoi qu’il en soit, il s’agit de la méthode de référence à appliquer en cas de doute ou de gravité de l’état du patient.

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L’autre méthode vise à faire l’économie du retrait du cathéter pour faire le diagnostic. Elle est basée sur la pratique d’hémocultures quantitatives prélevées en périphérie et au travers du cathéter. En cas d’infection sur cathéter, le nombre de colonies est plus de 5 fois supérieur lorsque le prélèvement est fait au travers du cathéter par rapport au prélèvement périphérique. Cette méthode a une spécificité de l’ordre de 100 % mais une sensibilité de 75 à 90 %. Elle semble dépister surtout les infections endoluminales qui, rappelons-le, sont surtout observées lors des cathétérismes de longue durée. Le diagnostic peut aussi être fait par la culture de l’intérieur de la chambre en cas d’utilisation d’un cathéter à site implantable. Cette culture se fait lors du retrait du cathéter en cultivant le contenu du boîtier situé sous le septum de l’intérieur de la chambre. • La prévention des infections sur cathéters est bien sûr essentielle. Lors de la pose, on doit employer une asepsie chirurgicale car il s’agit, rappelons-le, même si c’est une évidence, d’un matériel étranger implanté. Il faut donc utiliser une salle aseptique, l’opérateur doit être entraîné et habillé avec casaque, bonnet, masque et gants après lavage chirurgical des mains. La peau est aussi préparée avec antiseptique et des champs doivent recouvrir le patient. Le pansement est occlusif et changé selon des protocoles établis à l’avance, adaptés aux patients du service et validés. C’est pour cela que, afin de surveiller la peau et l’orifice de ponction, certains utilisent des pansements transparents. La nature du cathéter peut jouer, et de ce point de vue, le silicone et le polyuréthanne semblent supérieurs au PVC ou au polyéthylène. La manipulation et surtout les ouvertures de ligne doivent être réduites au maximum. En tout cas, toute manipulation doit se faire après un lavage soigneux des mains en portant un masque, des gants ou à l’aide de compresses stériles imprégnées d’antiseptiques (technique no touch). • Le traitement repose habituellement sur le retrait du cathéter et une antibiothérapie adaptée. Celle-ci est obligatoire en cas d’infection à staphylocoque doré, à levures ou à certains bacilles gram-négatifs. En cas de cathétérisme de longue durée (alimentation parentérale) la méthode du verrou local d’antibiotique peut être employée ; elle consiste à purger le cathéter pendant 12 h/j pendant 10 à 15 j à l’aide d’un verrou d’antibiotiques adaptés au germe à une concentration égale à 1 000 fois la concentration minimale inhibitrice (CMI). Cependant, cette technique ne peut être proposée qu’en centre spécialisé. Dans les secteurs de réanimation, lorsque le cathéter n’est pas tunnellisé, on peut proposer un changement de cathéter sur guide, à condition que l’orifice d’entrée ne soit pas suspect. Le précédent cathéter est mis en culture et si cette dernière est positive, il importe alors de retirer le nouveau cathéter et d’en placer un dans un autre site.

Points Forts à retenir • Les abords veineux ne sont pas dénués de complications et leurs indications doivent être bien posées. • Les principales complications sont d’ordre infectieux et il importe donc de les prévenir par une asepsie rigoureuse lors de la pose et de la manipulation du cathéter. Les ouvertures de lignes doivent être réduites au maximum et regroupées (maintien du système clos). • Un diagnostic précoce d’infection sur cathéter est essentiel et cette possibilité doit toujours être envisagée chez un patient porteur d’un abord veineux profond. • Tout cathéter qui n’est plus utilisé doit être retiré. • En cas de doute sur l’infection d’un cathéter, l’ablation du cathéter et la mise en culture de l’extrémité doivent être la règle. • Des règles strictes de pose et une équipe entraînée permettent de diminuer l’incidence des complications immédiates, qu’elles soient mécaniques ou infectieuses.

POUR EN SAVOIR PLUS Alhomme P, Douard MC, Ardoin C, Le Queau F, Boudaoud S, Eurin B. Abords veineux percutanés chez l’adulte. Encycl Med Chir (Paris-France), Anesthésie-Réanimation, 36-740-A-10, 1995, 21 p. Blot F, Brun-Buisson Ch. Infections associées aux cathéters centraux : analyse critique des méthodes diagnostiques. Lettre Infectiologue 1996 ; XI : 286-90. Douard MC. Moyens diagnostiques des infections liées aux cathéters (ILC) en réanimation. Peut-on faire le diagnostic d’une ILC, cathéter en place ? Rean Urg 1994 ; 3 : 347-53. Douard MC, Ardoin C, Payri L, Tarot JP. Complications infectieuses des dispositifs intraveineux de longue durée : incidence, facteurs de risque, moyens diagnostiques. Pathol Biol 1999 ; 47 : 288-91. Douard MC, Jacob L. Infections liées aux cathéters. In : Pourriat JL, Martin C. Principes de Réanimation Chirurgicale. Paris : Arnette Blackwell, 1995 : 821-9. Messing B, Thuillier F, Alain S et al. Traitement par verrou local d’antibiotique des infections bactériennes liées aux cathéters centraux en nutrition parentérale. Nutr Clin Metab 1991 ; 5 : 105-12. Nitenberg G. Stratégie thérapeutique face à une suspicion d’infection liée au cathéter en réanimation. Rean Urg 1994 ; 3 : 401-7.

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POUR APPROFONDIR Tunnellisation Cette méthode consiste à donner au cathéter un trajet sous-cutané de plusieurs centimètres avant la pénétration veineuse. Cela a pour but de faire sortir le cathéter à un endroit moins colonisé et plus confortable pour le patient. Cette technique est surtout employée en cas de cathétérisme de longue durée, jugulaire interne, axillaire ou fémorale.

Cathéter à « manchon » Il s’agit de manchon entourant le cathéter lors de son trajet souscutané. Celui-ci est constitué d’une matière qui est envahie par des cellules sous-cutanées. Le cathéter est donc bien fixé malgré son émergence cutanée. Pour le retirer, il faut pratiquer une incision et libérer les tissus autour du manchon.

Cathéter à chambre ou à site implantable Il s’agit d’un cathéter totalement implanté comportant à son extrémité proximale en sous-cutané une « chambre ». Celle-ci comprend un boîtier dont la lumière est reliée à celle du cathéter. Ce boîtier est fermé en superficie par une membrane appelée aussi septum. Celle-ci est en silicone, circulaire, et a un diamètre et une épaisseur de quelques millimètres. Lors de l’utilisation, la membrane est ponctionnée au travers de la peau à l’aide d’une aiguille spéciale et l’on a ainsi accès à la lumière de la chambre et du cathéter. Après retrait de l’aiguille, l’élasticité de la membrane permet une fermeture du trou dû à la ponction de l’aiguille.

Méthode de Seldinger Cette méthode d’introduction des cathéters consiste à : a ponctionner un vaisseau à l’aide d’une aiguille de moyen calibre et rechercher un reflux sanguin ; b celui-ci étant obtenu et franc, on introduit au travers de l’aiguille un guide métallique spiralé, souple surtout à son extrémité distale. Ce guide est poussé dans le vaisseau sur plusieurs centimètres (4 à 10 en moyenne) ; c puis l’aiguille est retirée en laissant le guide métallique ; d le quatrième temps consiste à introduire autour du guide un ensemble constitué d’un dilatateur gainé de l’introducteur. Le dilatateur est conique et cela lui permet (avec éventuellement une petite incision cutanée au bistouri) de progresser dans la lumière du vaisseau jusqu’à y amener l’introducteur ;

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e cela fait, on retire le dilatateur et on laisse l’introducteur qui doit donc être dans la lumière vasculaire. C’est au travers de ce dernier que le cathéter devant être mis en place sera introduit ; f il faut, lors de ces manœuvres, faire attention au risque d’embolie gazeuse car un introducteur peut permettre l’entrée d’un grand débit d’air ; gcertains introducteurs (Désilet) sont « pelables », c’est-à-dire qu’ils peuvent se fendre dans le sens de la longueur et ainsi être retirés du cathéter introduit.

Débouchage d’un cathéter obstrué par une thrombose Ne pas essayer de forcer en exerçant une pression car il y a risque de rupture du cathéter. Mettre au contact du thrombus une solution d’urokinase à 5 000 UI/mL à l’aide d’une petite seringue en faisant attention à ne pas pousser trop fort et en privilégiant les manœuvres d’aspiration. On obtient ainsi assez souvent la lyse du caillot en quelques minutes ou quelques heures. Après 24 h, il faut considérer que c’est un échec.

Culture d’un cathéter pour diagnostic d’une infection Le premier temps consiste à retirer de façon aseptique le cathéter et à couper son extrémité. Dans la technique décrite par Maki : l’extrémité est roulée sur de la gélose. Le cathéter est considéré comme infecté si l’on a plus de 15 CFU (colony-forming unit). Cette méthode explore surtout l’extension du cathéter. Dans la technique décrite par Brun-Buisson, l’extrémité du cathéter est placée dans un tube et « vortexée » (méthode d’agitation). Le liquide de lavage recueilli est cultivé. Le cathéter est considéré comme infecté si l’on obtient plus de 103 CFU. Cette méthode est plus performante car elle explore intérieur et extérieur du cathéter. Une autre solution, opposable à ces méthodes qui nécessitent le retrait du cathéter, est la pratique d’hémocultures quantitatives par prise de sang en périphérie et au travers du cathéter. Le résultat est positif si l’on obtient plus de 5 fois plus de colonies par la culture au travers du cathéter par rapport à la culture périphérique. La spécificité de cette méthode est de 100 % mais sa sensibilité n’est que de 75 à 90 %. La méthode des hémocultures quantitatives a l’avantage de ne pas retirer le cathéter pour faire le diagnostic, mais sa moindre sensibilité et son coût représentent ses limites. De plus, elle explore surtout les infections endoluminales.