00-1253

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Maladies infectieuses B 182

Mononucléose infectieuse Épidémiologie, diagnostic, évolution PR Pascal CHAVANET Service des maladies infectieuses et tropicales, complexe du Bocage, 21000 Dijon Cedex.

Points Forts à comprendre • La mononucléose infectieuse est l’expression clinique symptomatique de la primo-infection par le virus d’Epstein-Barr. • Il appartient au groupe des Herpesviridæ, et est caractérisé par sa persistance dans l’organisme après la primo-infection, l’absence de récurrence clinique chez le sujet immunocompétent, et son double tropisme cellulaire (cellules épithéliales oropharyngées et lymphocytes B). • Dans l’organisme, le virus existe sous forme de virions dans la salive et sous forme de génome viral dans les lymphocytes B. • La mononucléose infectieuse est typiquement responsable d’un tableau clinique et biologique : le syndrome mononucléosique. • L’évolution est bénigne grâce au contrôle immunitaire mais la persistance du virus dans l’organisme rend compte de son association à diverses tumeurs (lymphomes et carcinomes du rhino-pharynx).

Épidémiologie – Physiopathologie La fréquence de la mononucléose infectieuse (MNI) est estimée à environ 45/100 000 personnes par an. Expression clinique de la primo-infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV), elle atteint surtout l’adolescent et l’adulte jeune, avec un pic de fréquence entre 15 et 25 ans. Dans cette tranche d’âge, une primo-infection sur deux est symptomatique alors que dans l’enfance, elle est le plus souvent inapparente. Cette primo-infection survient d’autant plus précocement que le niveau de vie est faible, elle confère une immunité durable. Dans les enquêtes sérologiques, 80 à 90 % des adultes ont des anticorps anti-EBV et 20 à 30 % sont excréteurs asymptomatiques de virus. Le réservoir viral est humain avec excrétion au niveau oropharyngée. La transmission se fait par voie salivaire (« maladie du baiser »), exceptionnellement de façon accidentelle par voie sanguine. La contagiosité est faible et la mononucléose infectieuse survient de façon sporadique, un contage précis étant rarement retrouvé. L’incubation est en moyenne de 45 jours (2 à 6 semaines). Après pénétration dans l’organisme, le virus se lie par

des récepteurs spécifiques aux cellules épithéliales oropharyngées et parotidiennes, où il se multiplie pendant 30 à 50 j, entraînant une destruction de ces cellules et une libération du virus dans la salive. Lors de leur passage dans les tissus épithéliolymphoïdes de l’oropharynx, les lymphocytes B s’associent au virus d’Epstein-Barr par l’intermédiaire de récepteurs qui lui sont spécifiques. Les lymphocytes B sont alors stimulés et prolifèrent, d’où une synthèse de nombreux anticorps : – des anticorps spécifiques dirigés contres les antigènes viraux (antigène de la capside virale ou VCA pour viral capside antigen, antigène précoce ou EA pour early antigen, antigène nucléaire ou EBNA pour Epstein-Barr nuclear antigen) ; – des anticorps non spécifiques dirigés contre les hématies de diverses espèces animales dits anticorps hétérophiles ou hétérologues ; – enfin, des anticorps variés dont les anticorps antipolynucléaires neutrophiles, anti-plaquettes, antinucléaire, anti-pénicilline, etc. L’immunité cellulaire contrôle la prolifération des lymphocytes B, d’abord de façon non spécifique par l’action des cellules natural killers (NK), puis par les lymphocytes T cytotoxiques spécifiques. Ces lymphocytes T activés entraînent la plupart des signes cliniques de la mononucléose infectieuse avec atteinte des organes lymphoïdes riches en lymphocytes T (amygdales, ganglions, rate). Sur le plan biologique, l’activation lymphocytaire T se traduit par le syndrome mononucléosique. Ce contrôle immunitaire ne permet pas l’éradication du virus qui persiste dans les lymphocytes B infectés en phase de latence. Le virus d’Epstein-Barr est incriminé dans la genèse de cancer comme le lymphome africain de Burkitt et le carcinome indifférencié du rhino-pharynx.

Diagnostic Diagnostic clinique Après une phase prodromique de 3 à 5 j qui associe céphalées, asthénie et myalgies, l’expression clinique de la mononucléose infectieuse est variable.

1. Forme typique Dans sa forme typique, 4 signes cliniques sont retrouvés de façon fréquente (tableau I).

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MONONUCLÉOSE INFECTIEUSE

TABLEAU I

TABLEAU II

Tableau clinique de la mononucléose infectieuse

Formes atypiques et complications de la mononucléose infectieuse

❑ Adolescent et adulte jeune ❑ Fièvre prolongée ❑ Angine érythématopultacée ou pseudomembraneuse ❑ Polyadénopathie ❑ Splénomégalie ❑ Rash cutané sous aminopénicilline

• La fièvre est présente dans 80 à 90 % des cas, aux alentours de 38,5 ˚C et dure en moyenne 10 à 15 j. • L’angine typique est une angine à fausses membranes ou pseudomembraneuse avec un enduit pultacé, sur les amygdales hypertrophiques, respectant la luette et devant faire éliminer une angine diphtérique. Le plus souvent, l’angine est érythémateuse ou érythématopultacée et s’accompagne d’un œdème de la luette avec voix nasonnée et gêne respiratoire ; elle est caractérisée par sa durée et sa persistance. • Les adénopathies sont quasi constantes, précoces, diffuses, parfois douloureuses mais sans suppuration, de localisation cervicale et occipitale mais parfois aussi axillaire, rarement inguinale ou épitrochléenne. Les adénopathies profondes sont exceptionnelles. Enfin, dans 50 % des cas environ, l’examen clinique retrouve une splénomégalie modérée. À ces 4 signes principaux peut s’associer une atteinte cutanée dans 5 à 10 % des cas sous la forme d’une éruption de type variable : exanthème rubéoliforme, morbilliforme, scarlatiniforme. Cette éruption est à différencier de l’éruption qui accompagne la prise d’ampicilline dans 90 % des cas et qui ne contre-indique pas la prise ultérieure d’ampicilline. La présence d’un purpura du voile du palais est évocatrice mais non spécifique de la mononucléose infectieuse. Enfin, très rarement il peut y avoir une hépatomégalie voire un ictère.

2. Localisations révélatrices La mononucléose infectieuse peut se révéler par des localisations trompeuses, parfois sévères (tableau II). • Des atteintes cardiaques sous forme de péricardites, de myocardites ont été décrites en sachant que des anomalies électrocardiographiques sont retrouvées dans 6 % des cas de mononucléose infectieuse en dehors de toute manifestation clinique. • Des atteintes neurologiques sont de bon pronostic : encéphalite notamment cérébellite, méningite aiguë lymphocytaire, rare polyradiculonévrite voire myélite transverse. • Des atteintes respiratoires existent avec présence d’un infiltrat interstitiel pulmonaire dans 3 à 5 % des cas et plus rarement un œdème pharyngé pouvant aller jusqu’au syndrome asphyxique. 1254

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❑ Spléniques : rupture de la rate ❑ Neurologiques : encéphalite (cérébellite), méningite lymphocytaire ❑ Cardiaques : anomalies électrocardiographiques (6 %), péricardites, myocardites ❑ Respiratoires : œdème pharyngé, infiltrat interstitiel pulmonaire ❑ Génitales : ulcérations ❑ Digestives : ulcérations, forme pseudo-appendiculaire ❑ Néphrologiques : hématurie, glomérulonéphrite

• Plus rarement, il s’agit d’ulcérations génitales ou digestives, de formes pseudo-appendiculaires liées à une adénolymphite mésentérique, d’atteintes rénales avec présence d’une hématurie dans 10 % des cas de mononucléose infectieuse voire des glomérulonéphrites plus ou moins grave. Le syndrome de Purtilo ou maladie de Duncan caractérisé par un déficit immunitaire lié à l’X doit être considéré à part. Chez les garçons, la primo-infection par le virus d’Epstein-Barr se manifeste d’emblée par un tableau sévère avec prolifération lymphocytaire, infiltration du foie et des organes lymphoïdes entraînant le décès 2 fois sur 3. La physiopathologie de ce tableau est mal connue. Enfin, la primo-infection par le virus d’Epstein-Barr est une des causes du syndrome hémophagocytaire avec prolifération histiocytaire, hémophagocytose médullaire et ganglionnaire.

Diagnostic biologique 1. Éléments d’orientation La numération formule sanguine montre dans 70 % des cas un syndrome mononucléosique. Ce syndrome est défini par la présence d’une hyperlymphocytose absolue (60 à 70 % de lymphocytes) et par la présence de grandes cellules mononucléées hyperbasophiles, dites lymphocytes atypiques et qui sont en fait des lymphocytes T-CD8 activés. Une thrombopénie modérée, entre 100 et 150 000 plaquettes/mm3 est assez fréquente, alors qu’un purpura thrombopénique avec un taux de plaquettes inférieur à 10 000/mm3 est rare. Dans 0,5 à 3 % des cas, on peut observer une anémie hémolytique auto-immune avec test de Coombs positif, liée à la présence d’IgM de spécificité anti-i. La présence d’une cytolyse hépatique avec des transaminases à 3 ou 4 fois la normale est constatée dans 80 à 90 % des cas et est évocatrice dans le contexte. Divers anomalies immunologiques sont possibles avec présence d’anticorps anti-muscle lisse, anticorps antinucléaires, anti-plaquettes, cryoglobulinémie.

Maladies infectieuses Incubation (%) Anti-VCA Ig M

100

Anti-VCA Ig G

100

Anti-EA

70

Phase aiguë

Anti-EBNA Anti-EBNA

Convalescence (%)

Années plus tard

100 70

Réponses anticorps au cours de la mononucléose infectieuse.

2. Confirmation sérologique (fig. 1) Le diagnostic de la mononucléose infectieuse repose sur la recherche d’anticorps sériques hétérologues dirigés contre les hématies de cheval : c’est le MNI-test ou test d’agglutination rapide qui met en évidence des agglutinines de type IgM. Réalisable en quelques minutes, d’une sensibilité de 98 %, le MNI-test devient positif dès les premiers jours mais du fait d’une mauvaise spécificité, il doit être confirmé par la réaction de PaulBunnell-Davidsohn (PBD). Ce test, très spécifique, met en évidence des agglutinines anti-hématies de mouton, non absorbées par le rein de cobaye mais absorbées par les hématies de bœuf à l’inverse des agglutinines naturelles. Il se positive au-delà du 7e j d’évolution et se négative après plusieurs semaines. Sa réalisation demande 24 à 48 h et le seuil de positivité est au 1/80e (figure). Ces 2 tests d’agglutination, MNI-test et Paul-BunnellDavidsohn, peuvent être retardés de 2 à 3 semaines et ne sont positifs que dans 80 % des cas de mononucléose infectieuse. En cas de réactions douteuses ou négatives dans un contexte clinique ou biologique évocateur, il est possible, avant d’écarter le diagnostic de mononucléose infectieuse, de rechercher les anticorps anti-EBV spécifiques par immunofluorescence indirecte. Les anticorps anti-VCA avec IgM spécifiques apparaissent précocement et persistent jusqu’à 3 mois, les IgG anti-VCA persistent à vie. Plus tardivement, apparaissent les anticorps anti-EA et les anticorps anti-EBNA. La présence d’IgM antiVCA et l’absence d’anticorps anti-EBNA signent une infection récente par le virus d’Epstein-Barr. En pratique, les anticorps anti-EA et anti-EBNA sont surtout recherchés lors de la surveillance de réactivation virale éventuelle au cours d’immunodépression ou au cours de certains lymphomes associés au virus d’Epstein-Barr.

Diagnostic différentiel Sur le plan clinique, la présence d’une angine pseudomembraneuse doit faire éliminer une diphtérie en recherchant un contexte épidémiologique (notion de vaccination, voyages récents), l’absence de membrane sur la luette et doit faire pratiquer un MNI-test en urgence. Devant une angine érythématopultacée, l’origine streptococcique est évoquée.

Sur le plan biologique, un syndrome mononucléosique typique peut aussi s’observer au cours de la primoinfection par le cytomégalovirus (CMV), au cours d’une primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et au cours de la toxoplasmose acquise. • La primo-infection par le CMV se manifeste environ 3 semaines après le contage par une fièvre persistante, un rash morbilliforme, une hépatosplénomégalie, une hépatite biologique et une thrombopénie. Le diagnostic repose sur une séroconversion avec présence d’IgM anti-CMV et d’une virémie CMV positive. • La primo-infection par le VIH, symptomatique dans 40 à 60 % des cas peut revêtir l’aspect de la mononucléose infectieuse avec de la fièvre, un rash cutané, une pharyngite, une polyadénopathie, des ulcérations buccales ou génitales. Ce tableau doit faire demander la recherche de l’antigénémie VIH (voire le dosage de la virémie VIH plasmatique). • La toxoplasmose acquise donne de la fièvre, une polyadénopathie cervicale postérieure, une atteinte hépatique, une hyperéosinophilie modérée. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps spécifiques. Une réaction mononucléosique avec présence simple de lymphocytes hyperbasophiles peut s’observer plus rarement au cours d’infections bactériennes (syphilis, brucellose, typhoïde, rickettsiose), virales (rubéole, rougeole, oreillons, hépatite…). Parfois, chez un enfant ou un adulte jeune, présentant un tableau avec une angine plus ou moins ulcérée, une polyadénopathie, une altération de l’état général, une hyperlymphocytose avec de grands lymphocytes bleutés évoquant des blastes, le diagnostic de leucémie aiguë est évoqué d’où la réalisation d’un myélogramme au moindre doute.

Évolution L’évolution habituelle de la mononucléose infectieuse se fait vers la guérison en 2 à 3 semaines, marquée par une asthénie prolongée. Le traitement est symptomatique : repos, notamment le sport est à éviter surtout s’il existe une splénomégalie antipyrétique. Une antibiothérapie sera prescrite uniquement s’il existe une surinfection pharyngée. De rares complications mortelles sont décrites : la rupture splénique est exceptionnelle survenant dans 0,1 % à 0,5 % des cas, 10 à 20 j après le début de l’infection. L’œdème pharyngé peut aller jusqu’au syndrome asphyxique. Dans cette situation, une corticothérapie est prescrite à la dose de 1 mg/kg et par jour pendant 10 j avec diminution progressive. Certaines complications biologiques comme le purpura thrombopénique peuvent également nécessiter une corticothérapie. L’indication des corticoïdes dans les autres complications (neurologiques, cardiaques) est discutée. En fin, l’évolution peut se faire sur un mode chronique, associant une fatigue chronique, une fébricule, une faiblesse musculaire, des arthralgies migratrices, des adénopathies cervicales et axillaires, une irritabilité. Pour l’instant, il n’existe pas de vaccin anti-EBV, ni d’immunoglobulines spécifiques anti-EBV. ■

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MONONUCLÉOSE INFECTIEUSE

POUR APPROFONDIR 1 / Autres manifestations cliniques associées au virus d’Epstein-Barr Chez le sujet immunocompétent, le virus d’Epstein-Barr est associé à diverses pathologies malignes. Le lymphome de Burkitt est une prolifération monomorphe lymphoblastique B fréquente en Afrique de l’Est et en Nouvelle-Guinée chez les enfants de 7 à 9 ans, se manifestant par des tumeurs maxillaires. Dans sa forme africaine, il est associé dans plus de 90 % des cas, au virus d’Epstein-Barr et dans seulement 20 à 30 % des cas dans les régions à moindre incidence. Le virus d’Epstein-Barr est également associé à 100 % des cas de carcinome du nasopharynx peu ou pas différencié touchant les hommes de 20 à 50 ans, notamment en Chine du Sud et en Afrique du Nord. Sur le plan clinique, ce carcinome donne des atteintes ORL, neurologiques et des adénopathies cervicales métastatiques. Enfin, le génome du virus d’Epstein-Barr a été détecté dans certaines cellules tumorales de la maladie de Hodgkin à cellularité mixte, essentiellement les cellules de Reed-Sternberg. Chez les patients immunodéprimés, le virus d’Epstein-Barr est associé à des manifestations cliniques dans 2 situations : – les transplantés (surtout les greffés cœur/poumons) traités par immunosuppresseurs au long cours ont un risque de développer des proliférations lymphoïdes non hodgkiniennes 30 à 50 fois plus élevé que les non transplantés. Il s’agit de prolifération B associées au virus d’Epstein-Barr dans la grande majorité des cas avec possible régression à l’arrêt du traitement immunosuppresseur ; – au cours de l’infection par le VIH, la leucoplasie chevelue de la langue traduit une infection chronique des cellules épithéliales par le virus d’Epstein-Barr. Le diagnostic clinique repose sur la constatation de stries blanchâtres verticales sur les bords latéraux linguaux. La leucoplasie est un marqueur pronostique péjoratif de l’infection par le VIH. Les lymphomes non hodgkiniens sont plus fréquents chez les patients infectés par le VIH. Au stade précoce, il s’agit de lymphomes de Burkitt monoclonaux, associés au virus d’Epstein-Barr dans 30 à 40 % des cas. À un stade plus tardif de l’immunodépression, ce sont des lymphomes immunoblastiques (dont le lymphome cérébral primitif) associés dans 100 % des cas au virus d’Epstein-Barr. À noter également que 100 % des maladies de Hodgkin chez le patient infecté par le VIH sont associées au virus Epstein-Barr.

2 / Physiopathologie des manifestations malignes associées au virus d’Epstein-Barr Le virus d’Epstein-Barr a un double tropisme pour les lymphocytes B et les cellules épithéliales de l’oropharynx. Il se fixe sur les membranes cellulaires par l’intermédiaire d’une glycoprotéine d’enveloppe virale sur les récepteurs CD21 (récepteurs des fractions C3d du complément). Ces récepteurs sont présents sur les lymphocytes B, certains lymphocytes T et les cellules épithéliales. Une fois entré dans la cellule, le génome viral se circularise sous forme d’épisome et la phase de latence s’établit. Pendant cette phase et selon le type de lignées cellulaires, plusieurs protéines peuvent être exprimées dont 6 protéines EBNA, 3 protéines membranaires ou LMP et 2 RNA non codants, appelés EBER. La protéine EBNA2 est la première exprimée : elle active l’expression des LMP, induit l’expression des gènes cellulaires CD23 et CD21 (marqueurs d’activation lymphocytaire), active le promoteur Cp responsable de la synthèse des autres EBNA. Elle augmente l’expression des proto-oncogènes C-fgr (responsables d’altération des mécanismes de croissance et de différenciation des cellules) et augmente de 100 fois la résistance des cellules à l’interféron α (qui a un effet antiprolifératif). La protéine EBNA1 est indispensable à la survie de l’EBV dans sa cellule hôte en assurant le maintien du génome viral sous forme épisomale et active son propre promoteur. La protéine LMP1 augmente l’expression des molécules d’adhésion leucocytaire et des CD23, induit la synthèse d’ADN cellulaire, et agirait comme un oncogène au niveau des cellules épithéliales en altérant la différenciation cellulaire. Dans les lymphocytes B, LMP1 augmente l’expression du proto-oncogène bcl2 qui protège les cellules

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de l’apoptose. Au total, en stimulant des mécanismes d’activation physiologique, LMP1 et EBNA2 induisent la prolifération des lymphocytes infectés. Spontanément ou sous l’effet d’agents inducteurs, le virus peut être réactivé dans certaines lignées cellulaires. Le cycle viral a une expression différente selon la lignée cellulaire considérée, caractérisé par la phase de latence. Lorsque toutes les protéines de latence sont exprimées, on parle de latence de type III, observée dans les lignées lymphoblastoïdes avec présence de marqueurs d’activation lymphocytaire, caractéristique des lymphomes immunoblastiques. Dans la latence de type I, seul EBNA1 est exprimé et les cellules n’exprimant pas de marqueurs d’activation lymphocytaire : c’est la seule latence observée chez les sujets immunocompétents et dans les cellules dérivées de lymphome de Burkitt. Enfin, la latence de type II avec expression de EBNA1 et LMP, se voit dans les cellules du carcinome nasopharyngé, certains lymphomes T et certains lymphomes hodgkiniens. Sur le plan immunitaire, l’infection par le virus d’Epstein-Barr déclenche une réponse humorale et cellulaire. La réponse humorale se traduit par la production de nombreux anticorps qui n’ont aucune activité antivirale. Le principal effecteur de la réponse cellulaire est le lymphocyte T cytotoxique ou CTL CD8, qui reconnaît les antigènes viraux exprimés à la surface des lymphocytes infectés lorsqu’ils sont associés aux molécules du complexe d’histocompatibilité HLA1. Les cellules infectées et répliquant le virus vont être détruites par les CTL. Lorsque les cellules infectées sont en phase de latence de type I, seul EBNA1 est exprimé. Or aucun peptide dérivé d’EBNA1 ne peut être exprimé avec les molécules de classe HLA1. Les cellules en phase de latence I ne sont donc pas reconnues par le système immunitaire, d’où la persistance de cellules infectées par le virus d’EpsteinBarr dans l’organisme. Les latences moins strictes, type II ou III, sont associées à une expression de protéines virales qui vont être la cible de la réponse cytotoxique des CTL. Ces latences ne s’observent que si le contrôle immunitaire est moins bon. En résumé, dans les lignées lymphoblastoïdes exprimant la latence de type III, le virus d’Epstein-Barr initie et maintient la transformation cellulaire. La faillite de la réponse immunitaire permet la réplication continue du virus avec lymphoprolifération B polyclonale ce qui explique la fréquence des lymphomes immunoblastiques chez l’immunodéprimé. Dans cette situation, le virus d’Epstein-Barr a un rôle primordial dans la genèse du lymphome. En revanche, dans les cellules dérivées du lymphome de Burkitt, le virus d’Epstein-Barr a une expression limitée (latence type I) et ne serait qu’initiateur de la transformation par dérégulation des oncogènes, agissant comme un cofacteur.

Conclusion La compréhension de la relation hôte-virus, aussi bien chez l’immunocompétent que chez l’immunodéprimé, permet d’envisager pour l’avenir des thérapeutiques immunologiques sélectives des syndromes lymphoprolifératifs liés au virus d’Epstein-Barr.

Points Forts à retenir Chez un adolescent ou un adulte jeune, l’association d’une asthénie, d’une fièvre, avec une angine bilatérale, un œdème de la luette, un purpura du voile, une voix nasonnée, une polyadénopathie cervicale et occipitale, une splénomégalie suffit à faire poser le diagnostic clinique de mononucléose infectieuse, à confirmer par la réalisation d’un MNI-test.